mardi 12 avril 2016

"Au café Mollard", par Paul-Eric Langevin (2005)

Au café Mollard 

Poème en prose


"Dans la rue il y a mon amour. Dans la forêt il y a mon amour. Dans la nuit il y a mon amour. Mais mon amour est dans mon coeur et tant que celui-ci battra, il sera toujours vivant. Tremblant. Respirant. Elle est là, tout contre moi. Ses yeux me font respirer. Sa poitrine me fait trembler. Ses pieds me font rêver. Je ne me relèverai pas tellement elle me subjugue. Grâce à elle, je tremble, je respire, je m'émerveille, je me réveille, je ne dors pas, je ne vois qu'elle. Elle est encore là. Elle sera toujours avec moi. Jusqu'à ce que je ne sois plus rien. Poussière d'étoiles, amas de souvenirs, de rires cristallisés. Mais elle est toujours là pour l'instant. Elle me fait vivre, respirer, grandir, vieillir et surnager. Elle est mon tout, elle est ma lie, mon hallali, mon miroir, mon soleil et ma lune, mes étoiles, mon ciel entier, mon hymne, mon chant, mon désir et mon délire. Et elle est là et elle me voit. Elle me sourit, cligne de l'oeil. Dans son oeil, il y a l'univers. Dans sa pupille, la galaxie, dans son âme il y a mon coeur. Car je lui ai donné un soir d'hiver. Un soir d'été elle me l'a rendu mais tout cela n'est qu'illusion car je l'ai enfin retrouvée puisqu'elle ne m'a jamais quitté. Elle ne m'a même jamais oublié. Elle m'a aimé toute l'année et tout le siècle et tout le millénaire. Ainsi nous ne sommes qu'un seul pour toujours. Toujours et jamais.


Je suis ton coeur, ton âme, tes rideaux, tes flammes, je suis ton ensemble, ton tout, ta merveille, ton trésor et ton fou. Je veux te faire rire et sourire et crier et chanter toute l'année. Je veux te réveiller tout l'été avec du café. Des croissants, du sucre, des cadeaux, des mystères. Un différent chaque jour et voir ton sourire, jamais le même. Je créerai ton sourire car je suis capable de lui donner tout son éclat, toute sa flamme, son charme, son idéal et même ses larmes. Je suis ton printemps et ton automne, ton soleil et ta nuit, ton mystère et ta clef. Je peux te trouver même si tu te caches au fond, au fin fond de l'oubli. Car nous ne sommes qu'un, nous ne sommes qu'amour ensemble, pour toujours et pour jamais, dans l'infini comme dans le creu de ta main, le creu de tes reins; ta folie, ton vertige, ton idéal, ton passe-partout. Ton comble, ton rire, ton espoir, ta débauche, ta désillusion et ta pensée. Encore aujourd'hui je me suis réveillé et je t'ai vue, mon unique amie, ma créature, celle que j'anime et que je pousse, que je fais luire et puis mourir, jusqu'au lendemain car tu es éternelle du moment que je plonge dans tes yeux, tes si beaux yeux, que je peux prendre ta main, sentir tes doigts, les parcourir, sentir chaque frisson que je provoque au plus profond de ton être. Ton être et ton image, ton esprit et la pellicule de ta peau dont le contact me rend fou à la folie et cela pour toujours.


Tous les deux nous irons là-bas, nous irons au loin, au bout du chemin, sur la route, dans la lande, Nous serons unis encore et encore et nous découvrirons le paysage, les animaux, les villes et les hommes, les femmes et les objets, et nous aimerons les mêmes choses car nous sommes faits de la même veine. Nous nous tiendrons par la main et nous serons ensemble dans le lointain. Demain, après-demain et encore et encore car nous sommes là et nous nous sourions. Pourquoi y aurait-il une fin à tout cela? Pourquoi ne pas croire que c'est un principe éternel? Celui de l'amour, celui de la flamme, de la création et des larmes, dans tous les pays par tous les temps, chacun est un peu moi et chacune un peu toi, encore et toujours jusqu'au petit matin, l'un après l'autre et puis encore un. C'est là que nous nous rencontrons mais n'est-ce pas depuis le tout début? Y a-t-il un début? Y aura-t-il une fin? Nous ne le savons pas, ça nous n'en savons rien. Pas plus que chaque instant il ne manque quelque chose. Car tout en nous sourit du présent, plein et rempli de joie, de lumière, ignorant le froid, la faim, la fatigue, la détresse. Car nous sommes deux et c'est ce chiffre-là qui compte. Principe fondamental de tout l'univers, imaginaire ou réel, toujours deux, toujours cruels, avec ce qui nous entoure car nous ne pensons qu'à nous, dans tout le monde je vois ton regard, dans tout l'univers tu sens mon coeur."

Paul-Eric Langevin, Café Mollard, Paris, 2005.

lundi 11 avril 2016

"Fragments d'Héraclite et de Parménide", traduits par Paul Tannery et Jean-Paul Dumont (2011)

"Fragments d'Héraclite et de Parménide"
D'après Marcel Conche, Alexandre Koyré et Jean-Pierre Vernant
Traductions par Paul Tannery et par Jean-Paul Dumont



Introduction


Le contenu de ce chapitre a été tiré des sources suivantes :

1. Marcel Conche, "Héraclite. Fragments", Paris, PUF, 1986.

2. Marcel Conche, "Parménide, Le Poème : fragments", PUF, 1996.

3. Alexandre Koyré, "Remarques sur le paradoxes de Zénon", dans "Études d'histoire de la pensée
philosophique", Paris, Gallimard, 1971 [1922].

4. Jean-Pierre Vernant, "La formation de la pensée positive dans la Grèce archaïque", dans "Mythe et pensée chez les Grecs", Tome II, Paris, Maspéro, 1981, p. 95-124.


Deux problèmes :

Chez les présocratiques, et en particulier chez Héraclite et Parménide, la réflexion philosophique porte sur deux problèmes redoutables :

L’un et le multiple : L’expérience sensible nous découvre un monde multiforme d’une très grande variété. Derrière cette multiplicité, existe-t-il un substrat unique, un principe d’unité ? Demandons-nous, pour comprendre mieux cette question, si le plaisir, par exemple est un ou multiple : la variété des plaisirs est-elle une pure multiplicité que rien en pourrait unifier et en ce cas, chaque plaisir serait un phénomène strictement individuel qui ne répète aucun caractère commun à tous les plaisirs ? Ou bien cette multiplicité est-elle apparente ? Les diverses activités agréables produiraient toujours la même et unique chose, à savoir du plaisir et en ce cas le plaisir, peu importe sa source, serait toujours la même et unique réalité ? L’être et le devenir : L’être signifie ce qui est, ce qui existe, la réalité, le réel, le fait d'exister. Le non-être signifie ce qui n’est pas, le néant, c'est-à-dire ce qui n'a aucune détermination, pas même celle de l'un. Le devenir est synonyme de changement, de mouvement. L’expérience sensible nous met en présence du devenir (la feuille est verte l’été et devient rouge l’automne). Mais la pensée s’explique difficilement ce changement : la notion de devenir implique en effet un passage réciproque de l’être au non-être. Or rien ne se crée, rien ne se perd.


Héraclite : ~ 550-480 (Éphèse)

Dans l’Antiquité, on le surnommait « Héraclite l’Obscur ». Il était connu pour être orgueilleux et méprisant : il se vantait de n’avoir été le disciple de personne et d’avoir tout appris par lui-même. On lui demanda d’écrire des lois pour Éphèse, mais il refusa parce que selon lui les moeurs politiques de la Cité étaient trop dépravées. Il s’était retiré près du temple d’Artémis et jouait aux osselets avec les enfants. Aux curieux, il lança : « Pourquoi vous étonner, cela vaut mieux que d’administrer la Cité avec vous. » Il refusa d’aller rencontrer le roi Darius et les Athéniens qui l’estimaient. Il préféra rester à Éphèse, bien qu’il y fût méprisé. Héraclite descend du fondateur d'Éphèse, Androklos, qui dirigea l'émigration ionienne et dont le père était Kodros, roi d'Athènes. Héraclite lui-même eût été roi, s'il n'avait renoncé en faveur de son frère. Il appartient à cette famille royale d'Éphèse qui avait gardé, avec le doit à la robe pourpre et au sceptre, le privilège du sacerdoce de Déméter Eleusiana. (Vernant 1981, p. 113).


Choix de fragments d'Héraclite

Le Logos

1. Le Logos, ce qui est/ toujours les hommes sont incapables de le comprendre,/ aussi bien
avant de l’entendre qu’après l’avoir entendu pour la première fois,/ Car bien que toutes
choses naissent et meurent selon ce Logos-ci/ Les hommes sont comme inexpérimentés
quand ils s’essaient/ à des paroles ou à des actes,/ tels que moi je [les] explique/ Selon sa
nature séparant chacun/ et exposant comment il est ;/ Alors que les autres hommes/ oublient
tout ce qu’ils font à l’état de veille/ comme ils oublient, en dormant, tout ce qu’ils [voient].
(I)

2. Mais bien que le Logos soit commun/ La plupart vivent comme avec une pensée en propre.
(II)

3. Il appartient à l’âme un Logos qui s’accroît lui-même. (CXV)

4. Si ce n’est moi, mais le Logos, que vous avez écouté,/ Il est sage de convenir qu’est l’Un –
Tout. (L)


Le règne de l’ignorance

1. Ils ne comprennent pas quand ils ont entendu/ à des sourds ils ressemblent./ C’est d’eux que
témoigne la sentence:/ Présents ils sont absents. (XXXIV)

2. Instituteur de la plupart des hommes est Hésiode./ Ils savent qu’il connaissait beaucoup de
choses/ lui qui n’était pas capable de comprendre le jour et la nuit/ car ils sont un. (LVII)

3. Pour les éveillés il y a un monde un et commun/ Mais parmi ceux qui dorment, chacun s’en
détourne vers le sien propre. (LXXXXIX)

4. De tous ceux dont j’ai entendu les paroles/ aucun n’arrive au point de reconnaître/ que le sage
est séparé de tous. (CVIII)


Connaissance et paradoxes

1. Le vrai […] ce qui ne se cache pas. (II)a

2. [Sur la taille du Soleil.] La largeur d’un pied d’homme. (III)

3. Si toutes les choses devenaient fumée, c’est par les narines que nous les connaîtrions. (VII)

4. Les choses dont il y a vision, audition, expérience,/ ce sont elles que je préfère. (LV)

5. Penser est commun à tous. (CXIII)

6. Nature aime à se cacher. (CXXIII)

7. Le temps est un enfant qui s'amuse, il joue au trictrac./ À l'enfant la royauté. (LII)


Mobilité universelle et feu

1. Ce monde-ci, le même pour tous/ nul des dieux ni des hommes ne l’a fait/ Mais il était
toujours est et sera/ Feu éternel s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure. (XXX)

2. Dans les mêmes fleuves/ nous entrons et nous n'entrons pas/ Nous sommes et nous ne
sommes pas. (XLIX)a

3. Car on ne peut entrer deux fois dans le même fleuve. (XCI)

4. «Héraclite dit quelque part que tout passe et que rien ne demeure.» Platon (AVI)

5. «Tout s'écoule.» Simplicius


L’unité des contraires

1. L’opposé est utile, et des choses différentes naît la plus belle harmonie [et toutes choses sont
engendrées par la discorde.] (VIII)

2. Ils ne savent pas comment le différent concorde avec lui-même,/ Il est une harmonie contre
tendue comme pour l’arc et la lyre. (LI)

3. L'Harmonie invisible plus belle que la visible.(LIV)

4. Conflit/ est le père de tous les êtres, le roi de tous les êtres/ Aux uns il a donné formes de
dieux, aux autres d’hommes,/ Il a fait les uns esclaves, les autres libres. (LIII)

5. La route, montante descendante/ Une et même. (LX)

6. La mer, eau la plus pure et la plus souillée,/ Pour les poissons potable et salutaire,/ pour les
hommes son potable et mortelle. (LXI)

7. Même chose en nous/ être vivant ou mort/ être éveillé ou être endormi/ être jeune ou être
vieux/ Car ceux-ci se changent en ceux-là/ et ceux-là de nouveau se changent en ceux-ci.
(LXXXVIII).

(Traduction de Jean-Paul Dumont dans Les Présocratiques, Coll. «La Pléiade», Paris,
Galllimard, 1988.)


Interprétation des fragments d'Héraclite :

Le logos : dans la langue usuelle, logos signifie discours parlé. Mais le mot a plusieurs autres sens parmi lesquels : raison, loi et principe unificateur. Héraclite prétend offrir le discours de la vérité sur le réel, il expose la loi du devenir de toutes choses : l'unité des contraires. Pour être capable de tenir un tel discours, il faut être éveillé et non pas endormi comme les autres hommes. Le logos affirme ce qui est vrai universellement. La thèse fondamentale du discours de ce penseur : tout est un, c.-à-d. il y a unité et identité des contraires. Par exemple, le positif de la vie (la vie, l'amour, la santé) est un avec le négatif (la mort, la maladie, la solitude) : le positif et le négatif sont un signifie que l'on ne peut avoir l'un sans avoir l'autre. Il faut transformer notre attitude : accepter que le négatif y est de droit, ne pas le refuser comme n'ayant pas droit à l'existence, comme n'étant pas lié à son contraire.

Le règne de l'ignorance : la plupart des hommes ne comprennent pas ce qu'est le réel : ils sont présents au monde, mais absents à sa vérité. Ceux qui passent pour savoir beaucoup de choses, comme Hésiode, ignorent la loi fondamentale de l'unité des contraires. Au lieu d'être en présence du monde commun à tous les éveillés, chacun est enfermé dans son monde (coloré par ses désirs, ses intérêts, ses habitudes). Le sage est celui qui dit la vérité de la totalité du réel.

Connaissance et paradoxe : le monde est sensible, donc les sens sont les révélateurs premiers du monde. Mais ils ne connaissent pas le monde dans son intelligibilité, c.-à-d. ses lois. C'est le rôle de l'intelligence de découvrir ces lois.

Mobilité universelle et feu : « tout s'écoule », voilà la thèse fondamentale d'Héraclite, comme si le réel était un grand fleuve qui ne cesse jamais de couler. Le changement est la réalité unique, attesté par l'expérience. Le devenir est sans fin et sans repos. En son fond, le réel est pure mobilité. Le feu, qui détruit l'ancien et fait place au nouveau, est le principe unificateur.

L'unité des contraires : La guerre – ou le conflit des contraires – est le principe du devenir dans le réel. Ce conflit fécond est en même temps harmonie au sens d'un ajustement des forces en sens opposé comme celles qui maintiennent tendue la corde d'un arc. L'unité des contraires signifie leur inséparabilité.




Parménide d'Élée (~540-470)

Choix de fragments traduits par Paul Tannery (1887)


I

Les cavales qui m’emportent au gré de mes désirs,
se sont élancées sur la route fameuse
de la Divinité, qui conduit partout l’homme instruit;
c’est la route que je suis, c’est là que les cavales exercées

[5] entraînent le char qui me porte. Guides de mon voyage,
les vierges, filles du Soleil, ont laissé les demeures de la nuit
et, dans la lumière, écartent les voiles qui couvraient leurs fronts.
Dans les moyeux, l’essieu chauffe et jette son cri strident
sous le double effort des roues qui tournoient

[10] de chaque côté, cédant à l’élan de la course impétueuse.
Voici la porte des chemins du jour et de la nuit,
avec son linteau, son seuil de pierre,
et fermés sur l’éther ses larges battants,
dont la Justice vengeresse tient les clefs pour ouvrir et fermer.

[15] Les nymphes la supplient avec de douces paroles
et savent obtenir que la barre ferrée
soit enlevée sans retard; alors des battants
elles déploient la vaste ouverture
et font tourner en arrière les gonds garnis d’airain

[20] ajustés à clous et à agrafes; enfin par la porte
elles font entrer tout droit les cavales et le char.
La Déesse me reçoit avec bienveillance prend de sa main
ma main droite et m’adresse ces paroles:
« Enfant, qu’accompagnent d’immortelles conductrices,

[25] que tes cavales ont amené dans ma demeure,
sois le bienvenu; ce n’est pas une mauvaise destinée qui t’a conduit
sur cette route éloignée du sentier des hommes;
c’est la loi et la justice. Il faut que tu apprennes toutes choses,
et le coeur fidèle de la vérité qui s’impose,

[30] et les opinions humaines qui sont en dehors de le vraie certitude.
Quelles qu’elles soient, tu dois les connaître également, et tout ce dont on juge.
Il faut que tu puisses en juger, passant toutes choses en revue.


II

Allons, je vais te dire et tu vas entendre
quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l’intelligence;
l’une, que l’être est, que le non-être n’est pas,
chemin de la certitude, qui accompagne la vérité;

[5] l’autre, que 1’être n’est pas: et que le non-être est forcément,
route où je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser séduire.
Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n’est pas, tu ne peux le saisir ni l’exprimer;


III

car le pensé et l’être sont une même chose.


VI

II faut penser et dire que ce qui est; car il y a être :
il n’y a pas de non-être; voilà ce que je t’ordonne de proclamer.
Je te détourne de cette voie de recherche.
où les mortels qui ne savent rien

[5] s’égarent incertains; l’impuissance de leur pensée
y conduit leur esprit errant: ils vont
sourds et aveugles, stupides et sans jugement;
ils croient qu’être et ne pas être est la même chose et n’est pas
la même chose; et toujours leur chemin les ramène au même point.


VII

Jamais tu ne feras que ce qui n’est pas soit;
détourne donc ta pensée de cette voie de recherche;
que l’habitude n’entraîne pas sur ce chemin battu
ton oeil sans but, ton oreille assourdie,

[5] ta langue; juge par la raison de l’irréfutable condamnation
que je prononce.


VIII

II n’est plus qu’une voie pour le discours,
c’est que l’être soit; par là sont des preuves
nombreuses qu’il est inengendré et impérissable,
universel, unique, immobile et sans fin.

[5] Il n’a pas été et ne sera pas; il est maintenant tout entier,
un, continu. Car quelle origine lui chercheras-tu ?
D’où et dans quel sens aurait-il grandi? De ce qui n’est pas? Je ne te permets ni de dire ni de le
penser; car c’est inexprimable et inintelligible
que ce qui est ne soit pas. Quelle nécessité l’eût obligé

[10] plus tôt ou plus tard à naître en commençant de rien?
Il faut qu’il soit tout à fait ou ne soit pas.
Et la force de la raison ne te laissera pas non plus, de ce qui est,
faire naître quelque autre chose. Ainsi ni la genèse ni la destruction
ne lui sont permises par la Justice; elle ne relâchera pas les liens

[15] où elle le tient. [Là-dessus le jugement réside en ceci ] :
Il est ou n’est pas; mais il a été décidé qu’il fallait
abandonner l’une des routes, incompréhensible et sans nom, comme sans vérité, prendre l’autre,
que
l’être est véritablement.
Mais comment ce qui est pourrait-il être plus tard? Comment aurait-il pu devenir?

[20] S’il est devenu, il n’est pas, pas plus que s’il doit être un jour.
Ainsi disparaissent la genèse et la mort inexplicables.
II n’est pas non plus divisé, car Il est partout semblable;
nulle part rien ne fait obstacle à sa continuité, soit plus,
soit moins; tout est plein de l’être,

[25] tout est donc continu, et ce qui est touche à ce qui est.
Mais il est immobile dans les bornes de liens inéluctables,
sans commencement, sans fin, puisque la genèse et la destruction
ont été, bannies au loin. Chassées par la certitude de la vérité.
il est le même, restant en même état et subsistant par lui-même;

[30] tel il reste invariablement; la puissante nécessité
le retient et l’enserre dans les bornes de ses liens.
II faut donc que ce qui est ne soit pas illimité;
car rien ne lui manque et alors tout lui manquerait.
C’est une même chose, le penser et ce dont est la pensée;

[35] car, en dehors de l’être, en quoi il est énoncé,
tu ne trouveras pas le penser; rien n’est ni ne sera
d’autre outre ce qui est; la destinée l’a enchaîné
pour être universel et immobile; son nom est Tout,
tout ce que les mortels croient être en vérité et qu’ils font

[40] naître et périr, être et ne pas être,
changer de lieu. muer de couleur.
Mais, puisqu’il est parfait sous une limite extrême!
il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés,
également distante de son centre en tous points. Ni plus

[45] ni moins ne peut être ici ou là;
car il n’y a point de non-être qui empêche l’être d’arriver
à l’égalité; il n’y a point non plus d’être qui lui donne,
plus ou moins d’être ici ou là, puisqu’il est tout, sans exception.
Ainsi, égal de tous côtés, il est néanmoins dans des limites.


Interprétation des fragments de Parménide :

Lorsqu'il y a conflit entre l'expérience sensible et la raison (ou le raisonnement), il faut rejeter le témoignage des sens comme illusoire.

Pour Parménide, on ne peut penser et affirmer que l'être. Le néant, ou le non-être, on doit l'écarter de notre discours, car c'est une notion contradictoire. Dire qu'il y a du non-être revient à dire que ce qui n'existe pas existe !!!

La thèse fondamentale est la suivante : l'être est un et immuable. Donc la multiplicité et le changement ne sont que des illusions des sens, de vaines apparences. La thèse parménidienne est une négation, au nom de raisonnement, des idées d'Héraclite sur le devenir. L'être est immuable parce que le devenir implique la notion de non-être.

Les caractères de l'être : l'être est incréé, impérissable, il est complet, immobile, éternel. L'être ne peut pas avoir eu de commencement parce qu'il aurait fallu en ce cas qu'il vienne du non-être, ce qui est absurde. Il est tout entier dans l'instant présent, un et continu. En effet, le passé est ce qui n'est plus et le futur, ce qui n'est pas encore, or l'être est. L'image de l'être est une sphère s'équilibrant partout elle-même, une sphère pleine qui se contient elle-même et rien d'autre qu'elle-même.
















Héraclite



















Parménide

"Cours sur l'oeuvre de Baruch Spinoza", Ecole normale supérieure (2003)

Cours sur l'oeuvre de Baruch Spinoza, Ecole normale supérieure, 23 mai 2003.



1. Repères chronologiques

Galilée (1564-1642), Descartes (1596-1667), Spinoza (1632-1677), Leibniz (1646-1716), Newton (1642-1727), Cromwell (1599-1658), Louis XIII (1601-1643), Louis XIV (1638-1715)



2. Introduction

Contrairement aux autres exposés, celui-ci ne porte pas sur un mathématicien philosophe ou un philosophe mathématicien, en tout cas quelqu'un activement engagé dans la recherche mathématique
de son temps, ce qui pour nous ajoute une difficulté.

Mais précisément nous avons affaire à un Spinoza non mathématicien réalisant ce que sans doute, par pragmatisme, aucun mathématicien ne ferait : écrire un ouvrage dans une forme mathématique excluant tout symbole (tout l'opposé de Bourbaki !).

Ainsi, son ouvrage fondamental, l'Éthique, est dite écrite ''more geometrico'', à la manière des géomètres, et pourtant elle n'est d'aucune façon, comme le souligne son titre même, un texte mathématique.

Je ne vais pas parler ici de la vie de Spinoza, non qu'elle ne soit intéressante, ne serait-ce que parce que c'est l'un des rares, sinon le seul philosophe moderne dont la vie soit en accord avec la pensée. Mais parce précisément on a eu tendance à faire de lui une sorte de saint laïc, il est toutes sortes de mythes à son propos. Depuis une tentative d'assassinat (à coups de poignard précise-t-on), et le manteau frappé à sa place conservé toute sa vie, jusqu'à une tentative de collage d'affiches subversives lors du lynchage des frères de Witt, dirigeants de la république de Hollande, par la foule suite à la défaite devant les troupes françaises en 1672.

En fait, c'est de quelques points de sa philosophie dont je voudrais parler.



3. Formation de Spinoza

Ce qui distingue la philosophie de Spinoza, c'est l'absence de grands ancêtres, de maîtres archaïques par rapport auxquels il se positionnerait.

Alors que la plupart des philosophes soulignent leur appartenance à une certaine famille de pensée, on ne trouve rien de tel chez lui, si ce n'est un rejet quasi-méprisant de ces grandes figures. Ainsi dans
une lettre à Boxel, considéré comme un illuminé protestant, il écrit : ''L'autorité de Platon, d'Aristote, de Socrate, etc.... n'a pas grand poids pour moi (...) Rien d'étonnant à ce que des hommes qui ont cru aux qualités occultes, aux espèces intentionnelles, aux formes substantielles et mille autres niaiseries aient imaginé des spectres et des esprits et cru les vieilles femmes... '' (lettre 56, p. 1247-8, Pléiade).

Sa formation était très inorthodoxe ; études hébraïques très poussées, évidemment sans apprentissage du latin auquel il s'initiera à partir de 20 ans, et donc sans connaissance des philosophes classiques.

Le seul auquel il se réfère régulièrement, et pour le critiquer, est Descartes qui a effectivement un rôle crucial dans la construction de sa philosophie.

Curieusement, le seul dont il parle positivement dans son oeuvre, est non pas un philosophe, mais un historien, Machiavel. D'ailleurs une partie de ses connaissances sur les philosophes grecs ou latins est
due, comme on le voit dans l'inventaire de sa bibliothèque après sa mort, à des historiens de la philosophie (Diogène Laërce par exemple).

On ne s'étonnera donc pas que sa pensée apparaisse comme une ''singularité'' dans le champ lisse de la philosophie. On a pu parler à son propos de ''scandale philosophique'', ''d'anomalie sauvage''... Qu'en est-il réellement ?



4. La singularité spinoziste

Ce qui fascine chez Spinoza, c'est une certaine forme d'extrémisme qui pousse à bout des pensées et des réflexions qui peuvent autrement apparaître comme banales ou que l'on peut retrouver chez d'autres auteurs, principalement Descartes, mais avec comme conséquence un retournement complet de sens.

On pourrait y voir une ''Übriz'', une forme de démesure qui est l'inverse de la sagesse pour les anciens Grecs.

Ce n'est pas totalement inexact, dans le sens où sa pensée est celle de l'absolument ''un'' ou de l'unique.

C'est pourquoi on peut la relier jusqu’à celle de Parménide (vers -500) et l'hypothèse du ''eç Õn estin'' (''si l'un est''), autrement dit ''si la seule chose qui existe est l'unité''.



5. L'impossibilité de ''l'Un'' ou de ''l'Unique''

Comme à l'habitude, la plus formidable réfutation à cette position se trouve chez Platon.

Celle de l'Un de Parménide est développée dans le texte du ''Sophiste''. Parménide y est présenté comme le père philosophique de l'interlocuteur principal, ce qui n'empêche pas ce dernier de le mettre à mort, de se livrer, dit-il lui-même, au (premier) parricide (philosophique).

En effet, comment concilier la seule existence de l'Un et la possibilité du ''logos'', d'un discours rationnel sur lui, qui est au centre de la philosophie (suivant Platon, mais aussi bien Parménide) ? Dès lors que l'on admet qu'un nom n'est pas rien qu'un son sans lien à ce qu'il désigne. On est devant l'alternative suivante :

- si le nom ''Un'' est différent de l'Un, on aura déjà 2 choses ;

- et si le nom et la chose sont identiques, alors on aura un nom qui est nom de rien et l'Un s'évanouira, et avec lui toute chose. Il n'y aura donc Rien !

Pourtant telle est la position radicale que tient Spinoza et qu'il faut essayer de comprendre.



6. Les grands paradoxes de l'Éthique

Si l'Éthique écrite à la manière des géomètres n'est pas l'unique oeuvre de Spinoza, puisque des textes importants concernent la société politique et la structure religieuse, il n'en demeure pas moins qu'il est certainement au centre de sa réflexion. Le premier paradoxe est situé dès les premières lignes de l'Éthique, avec la première définition, celle de ''causa sui'' (''cause de soi'').

1. Cette définition constitue le début de l'Éthique et donc de son livre I intitulé ''de Dieu'' est la suivante :

- ''ce dont l'essence enveloppe l'existence autrement dit [sive]

[surtraduction de sive, alors que l'on traduit (et là peut-être précisément à tort) Deus sive Natura, Dieu ou la Nature]

- ce dont la nature ne peut être conçue qu'existante''.

Deux problèmes : un problème de fond et un problème de forme. Problème de fond : qu'est-ce qui peut donc exister de par sa seule définition ?

Comme dans tout bon roman policier, la réponse se trouve beaucoup plus loin, c'est Dieu ou la Nature ou la totalité des choses ou des êtres.

Mais pourquoi devrait-on admettre l'existence de Dieu ? Il y a des athées, et si un philosophe a été accusé d'athéisme, c'est bien Spinoza.

Sa réponse est la suivante : celui qui nie cette existence doit aussi nier qu'il existe quoi que ce soit, ce que seul un dément peut faire ; or Spinoza ne s'adresse qu'à des êtres ayant leur pleine raison.

D'où une seconde objection, qui est aussi une autre formulation du problème de forme : Pourquoi l'équivalence entre les deux énoncés, en quoi l'un est-il dit autrement, c'est-à-dire avec d'autres mots, que l'autre ? Ou encore pourquoi Dieu peut-il être identifié à la Nature comme totalité des choses ou des êtres ?

C'est précisément une des objections que l'on retient contre Spinoza qui, ajoute-t-on, poserait subrepticement, dans ses définitions des équivalences non démontrées.

Celles-ci seraient donc des théorèmes sans démonstration. Cela prouverait à l'évidence le peu de sérieux de sa prétendue écriture ''à la manière des géomètres''. Critique provenant non seulement d'adversaires, mais également de commentateurs très bien disposés envers lui, mais sceptiques sur sa tentative de philosophie ''more geometrico''.

Une solution de ce second problème, et donc une réponse à l'objection précédente, est beaucoup plus complexe car elle met en jeu la structure même du monde spinoziste, et passe par la notion des attributs de Dieu. En gros, ce sont les caractères essentiels de Dieu selon Spinoza. Il est une infinité d'attributs de Dieu, dont les hommes perçoivent deux, à savoir l'étendue (i.e. l'espace) et la pensée.

Et ces attributs sont à la fois absolument disjoints, autrement dit aucune pensée ne peut influer sur le corps et inversement aucune cause corporelle n'a d'effet sur la pensée ou le psychisme.

Ce qui choque bien évidemment l'opinion commune, le bon sens, le ''oà polloç'', puisque l'on sait bien que malade nous ne pensons pas de même que bien portant et inversement le stress peut avoir les conséquences les plus graves sur notre santé corporelle !

La prétendue unité absolue se diviserait alors entre ce qui est de l'ordre corporel et de l'ordre psychique, et l'on retrouverait la pensée cartésienne récusée par Spinoza.

Mais pour Spinoza, il faut distinguer disjonction et dissymétrie ou inéquivalence. Deux choses peuvent être absolument disjointes et pourtant absolument symétriques ou équivalentes.

Il en est ainsi de l'infinité des attributs de Dieu qui sont à la fois absolument disjoints, mais en même temps, exprimant la nature de Dieu (Un), sont absolument symétriques ou équivalents. En particulier, ils suivent le même ordre causal.

Ainsi donc, à un stress ''correspond'' (bi-univoquement) de manière équivalente un certain état du corps lequel aura pour conséquence une maladie (corporelle), état de maladie auquel correspond également une certaine pensée, ou encore pourrait-on dire un certain état psychique.

Mais alors la seconde objection s'évanouit également, puisque la prétendue preuve que nécessiterait, d'après l'esprit géométrique, le ''sive'', est simplement la traduction textuelle de l'équivalence des attributs ou du moins de deux d'entre eux, puisqu'en toute réalité on devrait avoir une infinité de ''sive''.

D'où enfin le rejet du dualisme cartésien et par là même surtout, la réfutation de l'objection platonicienne.



Un exemple de la subtilité de la pensée de Spinoza

La métaphore du chien qui est, par ailleurs, un excellent exercice de logique (non formelle !) :

''J'ajouterai aussi quelque chose sur l'entendement et, la volonté que nous attribuons d'ordinaire à Dieu : Si, donc, l'entendement et la volonté appartiennent à l'essence éternelle de Dieu, il faut entendre par l'un et l'autre de ces attributs autre chose, certes, que ce que les hommes entendent généralement par ces termes. Car l'entendement et la volonté qui constitueraient l'essence de Dieu devraient différer, de toute l'étendue du ciel, de notre entendement et de notre volonté, et ne pourraient rien avoir de commun avec eux en dehors du mot qui les désigne, c'est-à-dire comme le Chien, constellation céleste, et le chien animal aboyant ont quelque chose de commun.'' (Eth., I.17, coro. 2, scolie, p. 329-330, Pléiade).

Ce double sens et cette métaphore n'ont rien de nouveau et surtout, contrairement à ce qu'on trouve chez certains commentateurs, n'est pas due à Spinoza ni à Descartes, ni même à Maimonide, mais est déjà présente chez Aristote (Réfutations sophistique, 4, 166a16) ; son intérêt est donc ailleurs. Il est dans la conclusion qu'on en tirait à savoir que précisément l'entendement et la volonté divins étaient sans commune mesure avec l'entendement et la volonté humaines. Pourtant il est désormais admis que les conditionnels ''deberent'' (devraient) et ''possent'' (pourraient) signifient précisément que l'hypothèse, à savoir que ''l'entendement et la volonté appartiennent à l'essence éternelle de Dieu'' est fausse, et en effet
Spinoza écrit explicitement que l'un et l'autre ne sont pas parties de l'essence divine.

Plus généralement, contrairement à l'habitude philosophique (suivant en cela l'exposition aristotélicienne), le mode hypothétique chez Spinoza doit toujours être considéré avec méfiance. Il signifie en effet que l'hypothèse en question est au moins douteuse et en général fausse. Ainsi, écrivant paradoxalement à la manière d’un Zénon d’Elée qu’il critique violemment, son texte peut prêter à beaucoup de confusion lors d’une lecture rapide, si l’on n’y prend pas garde suffisamment, comme il en (est) a été pour les ''paradoxes'' du philosophe grec.



















Baruch Spinoza

"Les groupes comme universaux", par Jean-Marie Souriau (2002)

LES GROUPES COMME UNIVERSAUX

Jean-Marie SOURIAU

Université de Provence



L'histoire des sciences respecte scrupuleusement la chronologie des idées. L'un des rôles de l'épistémologie, c'est de déchirer ce livre d'histoire, et d'en ajuster autrement les feuillets.

Plaçons-nous pour commencer au 14ème siècle, et lisons Guillaume d'Ockham : "Un Universel, c'est un projet de l'esprit qui s'applique à un grand nombre d'objets".

L'Universel groupe remonte aux années 1870 (Sophus Lie, Felix Klein). Il a d'abord été "groupe de transformations" (Lagrange 1770, Abel 1826, Galois 1832).

Puis il est devenu "abstrait", et accompagné par les "actions de groupe", qui l'appliquent
à un grand nombre d'objets.

Dirons-nous aujourd'hui, comme Felix Klein : "une géométrie, c'est une action de groupe" ? Non, choisissons plutôt: une géométrie, c'est un groupe.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


I

Commençons par la géométrie euclidienne, construite au ~IIIème siècle en utilisant les déplacements des "points de l'espace".

Déplacements qui constituent à l'évidence un "groupe de permutations", le Groupe d'Euclide.

Le Groupe d'Euclide "abstrait" peut aussi s'appliquer à d'autres objets que les points. Euclide l'applique aux objets couples-de-points, puis aux triplets-de-points, etc.

Ces divers objets sont classés par l'action du groupe : deux couples de points sont "de même classe" si un déplacement amène l'un sur l'autre. Les classes de couples, ce sont donc les "distances". Ce qui pose immédiatement le problème du "troisième cas d'égalité des triangles".

Le Groupe d'Euclide fait aussi apparaître des objets réguliers (polyèdres par exemple) ; leur régularité, c'est le sous-groupe constitué des éléments qui ne changent pas l'objet.

Ces notions duales : classe et régularité, s'étendent évidemment à toute action de tout groupe. Les classes d'une action de groupe peuvent s'interpréter "en compréhension" ou "en extension" — comme l'enseigne la Logique de Port-Royal (1662).


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


II

Le Groupe d'Euclide, nous venons de le définir par son action sur les points. Mais notre programme consiste à attribuer la primauté au groupe, indépendamment du choix d'une action particulière : au revoir et merci, chers petits points.

Au ~IIIème siècle déjà, Archimède avait utilisé des objets euclidiens qui ne sont pas constitués de points : Les moments.

Un moment peut se définir par son "travail" dans un "déplacement virtuel infinitésimal" (Lagrange, 1788).

Autrement dit, un moment est un "tenseur" défini sur le groupe d'Euclide, au point neutre.

La notion de moment s'applique ainsi aux groupes qui possèdent une structure infinitésimale convenable (les groupes "difféologiques", "groupes de Lie" par exemple). Alors le groupe agit naturellement sur ses moments: "action coadjointe" dit-on.

La statique selon Archimède (leviers, corps flottants) s'exprime ainsi : si un corps est en équilibre, la somme des moments qu'il subit est nulle.

Ce "principe d'Archimède" implique donc les moments et l'action coadjointe dans la physique de la matière.

Un intéressant théorème du 20ème siècle : la géométrie induite sur chaque "classe de moments" s'accompagne d'une "sur-géométrie", dite "symplectique".

Prenons l'exemple d'un moment euclidien réduit à une seule force — comme la poussée de l'eau sur un navire au repos.

La "classe coadjointe" de cette force est donc symplectique ; plus précisément, c'est une "variété symplectique de dimension 4". On peut se la représenter comme l'ensemble des droites orientées, transmettant chacune une force de la même intensité que la force choisie initialement.

Nous en rencontrons dans la nature, des droites orientées : les rayons lumineux. La géométrie euclidienne de la lumière s'accompagne donc nécessairement d'une géométrie symplectique. Essayons de l'analyser.

Chaque classe euclidienne de rayons lumineux se caractérise par une "grandeur" (qui correspond à l'intensité de la force) : cette grandeur, c'est la couleur.

Quand un rayon lumineux "monochromatique" traverse un instrument d'optique, il en ressort avec la même couleur, et la correspondance [ entrée → sortie ] respecte la "forme symplectique". Aussi bien pour les
"systèmes dioptriques" (les verres de lunettes) que pour les "systèmes catadioptriques" (les miroirs ardents de Syracuse ou les télescopes).

Un petit problème : il existe un phénomène gênant, appelé "diffraction", qui empêche d'isoler un rayon lumineux. La diffraction permet, au mieux, de concentrer la lumière sur un ensemble de rayons appelé "faisceau lumineux" ; et pour le géomètre, ce faisceau est une "variété lagrangienne" (dont la définition est symplectique). Conséquence : un faisceau lumineux "lagrangien" est encore lagrangien quand il ressort d'un instrument d'optique.

Voilà pourquoi les reflets sur les parois d'une tasse éclairée par le soleil peuvent produire au fond une courbe rebroussée, appelée "caustique".

Mais nous avons négligé jusqu'ici une autre "grandeur" caractéristique des classes de rayons lumineux ( dans la métaphore archimédienne, elle caractérise la "torsion", droite ou gauche, du moment). Grandeur qui appartient en propre à la lumière : c'est la "constante de Planck réduite", que l'on écrit h .Si petite soit-elle, sa prise en compte a une conséquence qualitative importante : la classe des rayons lumineux se découpe en deux "composantes"; la lumière se partage en deux états de "polarisation circulaire", "à gauche" et "à droite". Dans les années 1810, Augustin Fresnel a expérimenté la "biréfringence rotatoire" des prismes de quartz — qui séparent les deux nappes.

Dès le ~VIème siècle, une autre géométrie était apparue, concernant les "figures semblables". Elle est définie par le Groupe de Thalès, groupe des "similitudes" dont le Groupe d'Euclide est "sous-groupe invariant".

Pour le Groupe de Thalès, il n'existe qu'une seule classe de couples de points distincts. Ceci permet de définir le "rapport de deux distances", qui appartient nécessairement au "groupe-quotient Thalès/Euclide". Groupe que nous décrivons comme "groupe multiplicatif des réels positifs".

Ainsi apparaît l'art de mesurer.

La nature ne permet pas de faire agir le Groupe de Thalès comme le Groupe d'Euclide.

Cependant on rencontre quelques objets qui présentent une régularité "thalésienne" et "non euclidienne". Signe certain de leur origine : elle n'est pas "naturelle", mais "artificielle". Exemple : les coquilles que les bigorneaux savent construire grâce à leur art surnaturel.

Tout aussi artificiellement, nous pouvons faire agir le Groupe de Thalès sur les moments : il modifie à la fois les forces et les couleurs. De cette action résulte la "proportion" :

h / couleur = torsion / force

d'où les amateurs d'analyse dimensionnelle déduiront que la couleur est une impulsion.

Impulsion de quoi? Des atomes de lumière, disons les "photons newtoniens". Et par suite, h sera le tournoiement (ou spin) commun à tous ces photons.

Nous voyons comment le groupe de Thalès permet de mesurer autre chose que les distances.

Depuis le 18ème siècle, cette numérisation est achevée, en ce sens que nous savons construire un groupe de "matrices" (tableaux de nombres dont la loi de groupe ressort des "quatre opérations" de l'arithmétique), groupe qui sera déclaré "isomorphe" au Groupe d'Euclide.

Les ingrédients qui l'ont permis sont dus à Pythagore (son théorème permet de "numériser l'angle droit") et à Lagrange (qui a inventé au milieu du 18ème siècle les "coordonnées orthonormales" que l'on dit "cartésiennes").

Ainsi s'est construite la géométrie analytique ; géométrie que Lagrange a complétée en 1788 par la mécanique analytique.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


III

Mécanique, science des machines, devenue science des mouvements quand Kepler eut fondé la "mécanique céleste" (1609-1621).

Pour la développer, le Groupe d'Euclide sera remplacé par le Groupe de Galilée.

Groupe de Galilée qui agit sur "l'espace-temps", constitué des "événements" (couples point-instant).

Groupe de Galilée qui est lui aussi "isomorphe à un groupe de matrices". Dans la géométrie euclidienne d'Archimède, un moment non nul condamnait les choses au déséquilibre, donc au mouvement.

En géométrie galiléenne, un moment sera associé à chaque mouvement de chaque chose (doublet latin momentum—movimentum).

Moment qui engendre héréditairement un moment de chaque sous-groupe.

Il y a un sous-groupe du Groupe de Galilée que nous subissons et que nous croyons bien connaître : il est constitué des "translations temporelles" : "il y a cinq minutes", "dans cinquante ans", etc. Ce groupe, appelons-le Chronos.

Le groupe Chronos, nous avons des machines pour en découper des sous-groupes: les chronomètres, et autres oscillateurs.

Le rythme, élément universel de toutes les musiques, c'est un choix de tels sous-groupes.

C'est aussi Chronos qui définit "l'espace" : un point immobile dans l'espace, c'est une classe d'événements sous l'action de Chronos .

Chaque mouvement de chaque chose est pourvu d'un moment galiléen ; donc aussi du sous-groupe Chronos. Voilà l'énergie.

Cette énergie, ce n'est qu'une partie émergée de l'iceberg moment. Pour découvrir les 90% qui restent, il faut envisager d'autres sous-groupes.

C'est ainsi qu'on peut faire apparaître l'impulsion et le tournoiement, qu'on peut retrouver le "centre de masse" sur lequel travaillait déjà Archimède.

Quand deux choses se rencontrent, elles ajoutent leurs moments ; quand elles se séparent, elles le partagent ; elles peuvent en échanger une partie, mais le moment total reste nécessairement constant.

C'est pourquoi nous manipulons le moment avec adresse et prudence quand nous courons entre des obstacles, quand nous prenons ou quittons un escalator, quand nous conduisons une voiture.

Mais un horrible scandale va éclabousser cette belle construction : une analyse élémentaire montre que Chronos n'est pas "invariant" dans le groupe de Galilée.

La géométrie galiléenne ne permet pas de l'y distinguer : Chronos , et l'espace qui va avec, sont donc subjectifs.

L'espace dans lequel vous vivez, c'est vous qui l'avez choisi. C'est celui qui respecte votre confort.

Mais vous acceptez quelquefois de changer de Chronos, de quitter l'espace de votre maison pour habiter celui d'une auto, d'un train, d'un avion.

L'expression classique "espace-temps" est donc subjective, elle aussi. Pour respecter la géométrie, il faudra l'éviter : l'ensemble des événements, arène du Groupe de Galilée, le physicien l'appellera "Univers".

De même l'énergie, moment du groupe Chronos, est aussi subjective que l'espace : l'énergie d'un mouvement que vous faites dans un train, ce n'est pas du tout celle que constatent les observatrices situées dans la campagne environnante.

D'où nous vient donc l'illusion d'un espace absolu ? Le mot "géométrie" nous le suggère : de notre filiation terrestre.

Née du tumulte et de la fureur, notre planète-mère a acquis progressivement une régularité presque parfaite. Le Chronos de tout le monde, ce n'est que cette régularité de la Terre.

C'est un fait général : une chose isolée qui vieillit tend à acquérir son propre Chronos. Un principe premier de la thermodynamique dissipative.

Quelques précisions : Le vieillissement de la chose peut se mesurer ; le résultat s'appelle "entropie" (Boltzmann, 1877). Le "second principe de la thermodynamique" nous affirme que cette entropie ne peut jamais décroître.

Et le "premier principe" ? il est contenu dans un principe dix fois plus riche, la constance du "moment galiléen". La croissance de l'entropie doit donc respecter cette décuple constance.

Les amateurs de "calcul des variations" reconnaîtront une circonstance familière: un "multiplicateur de Lagrange" β va intervenir, qui caractérisera chacun des "états " où l'entropie ne peut plus croître.

Géométriquement, β , en dualité avec le moment, habite "l'algèbre de Lie" du Groupe de Galilée ; il peut se représenter comme un "quadri-vecteur" d'Univers.

Et le Chronos propre de la chose est engendré par β .

Les astres suffisamment vieux ressemblent à ce portrait, chacun avec son propre β . Mais le Chronos associé est souvent un peu plus compliqué que celui que nous avions imaginé tout à l'heure : les planètes et les étoiles tournent.

Le fait est là, la Terre tourne, elle aussi.

Le β de la Terre caractérise sa période de rotation ; le "jour sidéral", 23h 56 min. environ.

Cette rotation, la géométrie demande que ce soit celle d'un "solide" — même si la planète conserve une certaine fluidité-plasticité.

La rotation de la Terre casse l'apparente régularité euclidienne, et produit des effets mécaniques paradoxaux : gyroscope de Foucault (1852), alizés et quarantièmes rugissants.

Heureusement, elle ne gêne pas les musiciens.

Pour tout système isolé en équilibre, le quadri-vecteur β définit aussi la température d'équilibre (la mesure de β est l'inverse de la température absolue).

Même en dehors d'un équilibre thermodynamique achevé, le "vecteur-température" β subsiste localement. Max Planck, en décembre 1900, nous a donné le moyen de le mesurer en observant le rayonnement : c'est ainsi que nous savons qu'autour de notre Galaxie, la température est de 2.73 ° Kelvin.

β , c'est enfin la flèche qui nous indique dans quel sens coule le temps.

Flèche du temps qui permet le finalisme de la vie : action sur le futur grâce au souvenir du passé.

Flèche qui interdit toute action sur le passé et tout souvenir du futur : regrets et espoirs.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


IV

Le Groupe de Galilée possède une qualité particulière, la "cohomologie symplectique", qui se mesure avec une nouvelle quantité particulière : la masse.

Quelques conséquences de cette cohomologie galiléenne : Si la masse n'est pas nulle, chaque mouvement de chaque chose isolée se décompose en un couple : ( mouvement du centre de masse, mouvement autour du centre de masse ).

On peut construire un nouveau groupe, "extension centrale" du Groupe de Galilée ; cette extension, c'est le Groupe de Bargmann.

Chaque "particule élémentaire" est associée à une "classe coadjointe" du Groupe de Bargmann — qui représente l'ensemble de ses mouvements possibles.

On décrit ainsi les "points matériels", les "particules à spin", et même les "photons" (classés par impulsion, donc par couleur).

L'espace des mouvements de chaque particule est ainsi muni d'une "géométrie symplectique", respectée par l'action du Groupe de Galilée.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


V

Jusqu'ici, nous avons négligé de prendre en compte la pesanteur.

Pourtant, nous la pratiquons assidûment depuis l'instant de notre naissance, et nous savons que rien ne lui échappe. Ce caractère universel doit pouvoir s'étayer par la géométrie. Oeuvre entreprise en 1916 par Einstein, élaboration de la Relativité Générale.

Dans les années 1920, Einstein parlait de "mollusques de référence" ; Salvador Dali dessinait des "montres molles".

Ces images illustrent l'intervention d'une nouvelle géométrie : la géométrie différentielle, qui est définie par le "groupe des difféomorphismes de classe C∞ ".

Dans le cas des difféomorphismes de l'Univers, nous le nommerons simplement : Groupe Souple.

Comment un tel groupe, beaucoup plus grand que le groupe de Galilée (on dit que "sa dimension est infinie"), peut-il intervenir dans la physique ?

Très simplement, si on veut bien examiner la simple "chute des corps".

Comme nous l'a enseigné Galilée, tout "point matériel" qui tombe emprunte "l'accélération de la pesanteur". Cette loi s'applique aussi bien aux astres qu'à la pomme de Newton. Or on peut l'écrire avec la nouvelle géométrie : La pesanteur peut s'interpréter comme objet souple : une "connexion affine symétrique" D .

La "ligne d'Univers" d'un point matériel, associée à sa "masse", devient aussi un objet souple T : un "2-tenseur-distribution-contravariant-symétrique".

Alors la "loi de la chute des corps" devient :

"TDZ = 0 si Z est un 1-tenseur C∞ à support compact" ;

en abrégé :

TD = 0 .

L'intérêt de cette écriture, c'est qu'elle peut devenir une propriété universelle de la matière :

TD = 0 implique d'abord la "conservation de la masse" au cours du mouvement.

Si deux particules T1 et T 2 tombent indépendamment, leur chute commune sera décrite par la distribution T = T1+T2 , nouvelle solution de TD = 0.

Si ces particules se choquent, l'équation TD = 0 implique aussi toutes les "lois des collisions", celles qui ont été formulées au 17ème siècle (Galilée, Mariotte, Huygens).

Un seul objet T , solution de l'équation TD = 0 , peut ainsi peupler l'Univers d'une infinité de particules qui tombent en s'entrechoquant : vide, atomes et clinamen selon Démocrite et Lucrèce.

Une loi de probabilité sur les solutions du type précédent permet de définir une solution "moyenne" T, géométrisant la "théorie cinétique des gaz".

Apparition de la "pression".

Ces solutions, et d'autres, permettent de modéliser les divers "milieux continus". Dans ces cas-là, T peut s'exprimer avec la densité, la vitesse et la contrainte du milieu. Alors TD = 0 produit le système des équations d'Euler (1755) ; équations écrites ici "linéairement".

Par ailleurs, un simple calcul montre que toute solution isolée de l'équation TD = 0 , associée à une solution tensorielle Z de l'équation DZ = 0, définit une "grandeur conservée".

Si l'on se trouve dans une station spatiale, en "impesanteur", il y a beaucoup de solutions de l'équation DZ = 0, donc beaucoup de grandeurs conservées pour chaque mouvement. On connaît déjà la masse : on trouve en plus l'impulsion, le tournoiement , le centre de masse. Dix grandeurs au total sur lesquelles peuvent
s'appuyer les astronautes dans leurs évolutions.

L'objet protéiforme T que nous venons de rencontrer, nous l'appellerons : Dynamique de la matière, et l'équation TD = 0 méritera le nom de "loi de la dynamique".

Le savoir-faire des mécaniciens, c'est de joindre à cette "loi de la dynamique" des "lois de comportement" concernant les matériaux qu'ils étudient.

Lois qu'ils choisissent invariantes par l'action du Groupe de Galilée — sous-groupe du Groupe Souple. Ont-ils raison ? Nous verrons.

Ainsi peuvent se construire la "théorie de l'élasticité", la "mécanique des fluides". L'usage des distributions permet aussi de décrire les "coques" de la chaudronnerie, la "tension superficielle" qui permet à des insectes de marcher sur l'eau ; la simple "théorie des cordes", tendues ou vibrantes ; de définir les "forces" qu'elles
transmettent, de "composer" ces forces. Pensons à une toile d'araignée agitée par l'impact d'une mouche.

Et ça fonctionne parfaitement dans le cas des "phénomènes dissipatifs", qui produisent des résultats irréversibles.

Relativité Générale : fondement de la Mécanique Classique.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


VI

Mais un nouveau problème apparaît : pas question de traiter ainsi la loi de l'équivalence "énergie-chaleur" — simplement parce que l'énergie a disparu !

Pour la retrouver, il faudra sacrifier le Groupe de Galilée.

Revenons aux "particules élémentaires" que nous avions déduites de ce groupe. Il y avait une difficulté concernant les photons : leur vitesse était rigoureusement infinie. Or, dès 1676, Römer avait mesuré la vitesse c de la lumière et constaté qu'elle était finie — si grande soit-elle. Et la même pour toutes les couleurs.

Pour avoir de "bons photons", une seule solution : trouver un substitut du groupe de Galilée qui implique cette valeur c . C'est possible, et on peut trouver ainsi le "groupe de Poincaré", sous-groupe du Groupe Souple. Sa dimension est 10, comme celle du Groupe de Galilée ; sa géométrie, la Relativité Restreinte fournit de nouvelles particules, tout aussi symplectiques, mais plus conformes à l'expérience ; les photons vont maintenant à la bonne vitesse c .

Relativité Restreinte qui apparaît comme épistémologiquement postérieure à la Relativité Générale — même si elle est historiquement antérieure.

Cette géométrie est légale depuis 1983 : la vitesse c de la lumière a été ajustée arbitrairement (un nombre entier de mètres par seconde); le mètre-étalon a donc été relégué au musée.

Voilà enfin un événement bien daté de l'histoire de la géométrie au 20ème siècle.

Une nouveauté de la "Relativité Restreinte" : la masse d'une chose dépend de son mouvement — selon la formule m = E/c2, E désignant l'énergie retrouvée.

Résultat établi à la fin du 19ème siècle par Henri Poincaré dans le cas de la lumière ; en 1905, Albert Einstein a déclaré que cette formule était générale, et il a eu la bonne idée d'y chasser le dénominateur.

Mais comment se fait-il que nous ayons une grandeur conservée en moins, masse et énergie ayant perdu leur indépendance ?

Parce que le Groupe de Bargmann permettait d'utiliser subrepticement la "masse atomique" des chimistes, dite aussi "quantité de matière". Quantité qui varie peu dans les conditions généralement réalisées sur Terre.

La géométrie de Galilée-Bargmann était celle du paradis écologiste : pas de radioactivité, pas d'énergie nucléaire. Mais la géométrie de Poincaré respecte mieux la nature "telle qu'elle est".

Quelques conséquences de la Relativité Restreinte : Les photons n'ont plus de couleur propre, leur couleur est relative à qui les regarde (effet Doppler-Fizeau).

La "cohomologie symplectique" a disparu : disparition de la décomposition barycentrique. Le solide mobile, dont Euler et Poinsot avaient calculé les mouvements libres "autour du centre de masse", n'existe plus : pour
décrire les mouvements des objets les plus durs, il devient nécessaire de prendre en compte leurs propriétés élastiques ou plastiques.

Mais la loi de la dynamique TD = 0 reste inchangée. Les mécaniciens pourraient tout aussi bien utiliser le Groupe de Poincaré pour écrire les lois de comportement, et ils n'auraient plus de problème avec l'énergie, puisqu'ils pourraient admettre que E= mc2.

Mais la place du Groupe de Poincaré dans le Groupe Souple pose problème.

Pourrait-on le définir comme "régularité de l'impesanteur" ? Eh bien non, ce qu'on obtient ainsi, c'est un groupe plus grand, dont la dimension est 20 : le "groupe affine".

Voici : le Groupe de Poincaré est bien la régularité d'un objet souple g , objet d'un type nouveau : une "métrique hyperbolique normale".

La vitesse c de la lumière est inscrite dans g , ce qui explique comment c peut se transmettre au Groupe de Poincaré.

Examinons donc cette métrique d'Univers objet fondamental de la physique — dont l'étude a commencé avec les travaux d'Hermann Minkowski (1908).

Comme son nom l'indique, la métrique g permet de mesurer les distances et les durées, selon une méthode due à Bernhard Riemann (1853).

La thermodynamique des "vieilles choses" telles que la Terre implique toujours un "vecteur-température" β , qui appartient maintenant à "l'algèbre de Lie du Groupe de Poincaré". Dans le cas des choses "en cours de
vieillissement", β , devenu objet souple, engendre avec g un nouvel objet β g ("la dérivée de Lie de la métrique g par le vecteur β "). Si β g n'est pas nul, la "dissipation" va apparaître.

Ainsi peuvent se géométriser la conduction de la chaleur (équations de Fourier, 1822), la théorie de la viscosité (équations de Navier, 1822) ; etc.

La métrique définit enfin la pesanteur, comme la seule connexion D qui vérifie l'équation Dg = 0 .

Mais la pesanteur ainsi obtenue ne correspond à l'expérience que dans une région pas trop grande : elle exigerait que la Terre soit plate — or nous savons qu'elle est ne l'est pas…

Le Groupe de Poincaré et sa Relativité Restreinte ne sont donc qu'une approximation microscopique.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


VII

A grande échelle, comment utiliser le Groupe Souple ?

Demandons-lui ce que nous demandions jusqu'ici aux groupes d'Euclide, Galilée ou Poincaré : agir sur le réel sans modifier la physique. Autrement dit : agir sur le possible.

Choisissez un point quelconque de l'Univers. Vous trouverez peut-être un élément du Groupe Souple qui vous y emmènera. Si vous le faites agir, vous aurez fait un grand voyage, et même un voyage dans le temps.

Comment ce voyage est-il possible ? Simplement parce que vous ne vous apercevrez de rien. Vous aurez été accompagné par la métrique, par la pesanteur; par votre environnement ; par le reste du monde.

L'action du Groupe Souple transforme le possible en possible parce qu'elle ne change rien, parce qu'elle est inobservable… …nouvelle épistémologie de la géométrie.

Soyons plus précis : envisageons l'ensemble g des métriques possibles de l'Univers. Chaque classe de g sous l'action du Groupe Souple, appelons-la Un cosmos.

En souvenir d'Empédocle, appelons Physis l'ensemble Φ de tous les Cosmos. Notre Cosmos à nous, ce n'est plus que l'un des points de la Physis.

Nous pouvons munir g de la "difféologie compacte", qui est invariante par l'action du Groupe Souple. Elle descend sur la Physis Φ , en la munissant de la "difféologie quotient". Grâce à cette construction, la mécanique empirique que nous venons de rencontrer : la dynamique de la matière T est une distribution qui vérifie TD = 0 , D désignant la connexion qui dérive de g par la condition Dg = 0 se traduit géométriquement : T est un tenseur de Φ .

Ainsi la dynamique T habite la Physis Φ ; elle est définie au point ϕo qui est "notre Cosmos" ; c'est son "relevé" sur l'espace g des métriques que nous expérimentons.

Mais pourquoi notre Cosmos serait-il le seul à bénéficier d'une dynamique ? Pour être "scientifiquement correct", envisageons que T soit défini sur toute la Physis. Interprétation : le possible doit être astreint à une loi qui exprime la dynamique à partir de la métrique.

C'est avec une idée analogue que Cavendish, expérimentant en 1798 sur la pesanteur, a réussi à mesurer la masse de la Terre. Les mesures actuelles ne diffèrent des siennes que de 1%.

La loi qu'il éprouvait, c'était "l'attraction universelle", celle que Newton avait déjà induite des lois de Kepler.

Problème : peut-on réécrire la "loi de l'attraction", sans rien perdre de ses implications kepleriennes et cavendishiennes, pour prolonger le tenseur T sur la Physis ?

Oui ; une solution, c'est l'équation d'Einstein (1915-1917). Elle munit la Physis d'une "1-forme fermée" ; sur l'Univers, elle s'écrit T = S(g), S étant un "opérateur différentiel".

Elle se vérifie avec une précision extrême. Des variantes sont possibles, mais aucune n'a franchi le seuil expérimental.

La loi d'Einstein contient deux "constantes universelles" : la constante de Newton et la constante cosmologique ; la valeur de leur couple est mesurée depuis 1999 à partir des observations de supernovæ lointaines.

Mais le géomètre est parfaitement indifférent à la valeur de ces constantes, parce qu'il peut attribuer à chacune une valeur arbitraire, 1 par exemple. Opération qui revient à choisir des "unités gravitationnelles" pour la masse et pour les durées distances.

Unités très grandes : elles donnent par exemple à la constante de Planck l'ordre de grandeur h ≈ 10-120.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


VIII

Plaçons-nous maintenant à cette échelle des unités gravitationnelles, et jetons un coup d'oeil sur les Modèles cosmologiques.

Si l'on examine diverses photographies du ciel où ne sont portés que les objets suffisamment lointains, on constate que les galaxies présentent une "densité" qui varie peu avec la direction.

Autrement dit : les galaxies lointaines peuvent être décrites par une "statistique" possédant la régularité de la sphère céleste. Groupe isomorphe à O(3) ; "isotropie", dit-on.

Mais nous ne testons ainsi que ce qui est visible depuis la Terre : on peut présumer que l'isotropie n'est qu'un sous-groupe d'une "régularité cosmologique" C.

Une hypothèse concernant ce groupe C : il pourrait être isomorphe à O(4). Sous-groupe "compact" du Groupe Souple, qui permettrait alors de construire la "moyenne" T de la dynamique réelle.

Ce T moyen peut se décrire comme un "fluide à pression nulle", schéma d'une "poussière de galaxies". L'équation d'Einstein permet d'associer T à une métrique g qui possède aussi la régularité C.

Ainsi produit-on un modèle cosmologique, proposé dès 1922 par Alexandre Friedmann.

L'action du groupe C classe les événements. En compréhension, chaque classe est une "date cosmique"; en extension, c'est "l'espace" à cette date-là ; espace muni de la géométrie induite de C — géométrie éternelle, donc. "Espace comobile", disent les astronomes.

Cette géométrie est celle d'une hypersphère S3 dont le rayon R croît avec la date : "expansion de l'Univers". A la date "présente", l'espace est "courbe", mais pas beaucoup, parce que R est grand.

Depuis 1929, ce modèle se contrôle par l'observation d'un "décalage spectral" des galaxies lointaines, fonction de leur "distance" (Edwin Hubble disait imprudemment "proportionnel à la distance").

Souvenons-nous maintenant d'un théorème grâce auquel Archimède a pu calculer l'aire de la sphère (il concerne l'aire des "calottes sphériques").

On peut l'étendre en dimension quelconque ; il en résulte que la répartition tridimensionnelle des astres, supposée équipartie sur l'hypersphère S3 , se projettera équipartie sur tout disque équatorial D2. Ceci permet de calculer le volume de l'espace ; et aussi de contrôler visuellement les aspects non-géocentriques de la régularité C .

On peut perfectionner le modèle de Friedmann en tenant compte du rayonnement cosmologique (observé depuis 1964) ; rayonnement caractérisé par un vecteur-température β pointant vers le futur ; rayonnement dont la dynamique comporte densité et pression de radiation.

Bien entendu β bénéficie de la régularité C ; sa mesure β (la "température réciproque"), est proportionnelle au rayon R de l'espace : refroidissement perpétuel; 2.73 °K aujourd'hui.

La dérivée de Lie β g n'est pas nulle, ce qui laisse présager une production d'entropie (le "flux d'entropie" est un moment du Groupe Souple) : "interactions dissipatives" donc entre la matière et le rayonnement. β β β


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


IX

Revenons à notre planète, qui nous a déjà fourni quelques enseignements : nous avions remarqué que la Terre tourne, puis qu'elle n'est pas plate ; nous pouvons préciser maintenant qu'elle est ronde. Cette rondeur, c'est une régularité de la Terre.

Compte tenu de son aplatissement, il s'agit d'une régularité de type "Chronos x O(2)" Les écarts de la pesanteur à cette régularité n'ont pu être détectées qu'à la fin du 18ème siècle : expériences de Bouguer et Maskelyne au voisinage des monts Chimborazo et Shiehallion.

Mais la Terre est déjà "très sphérique", la régularité "Chronos x O(3)" est en cours d'apparition.

La simple géographie nous donne donc des exemples de régularités plus grandes que Chronos qui apparaissent spontanément. Voici des exemples à d'autres échelles.

Une régularité euclidienne de type A5 (groupe à 60 éléments) appartient à deux des polyèdres de Platon, et aussi aux ballons de football. Or cette régularité artificielle appartient aussi à des objets produits spontanément par la nature : dans la flamme d'une bougie qui fume apparaît une molécule possédant cette régularité-là : le carbone C60, découvert en 1985, qu'on appelle aussi "footballène".

Depuis 4.7 milliards d'années, des phénomènes dissipatifs se produisent dans le système solaire (collisions, marées) ; une régularité de type "Fibonacci" est apparue : les périodes des planètes s'éloignent peu d'une
"progression géométrique" dont la raison serait le "Nombre d'or". Même résultat pour les systèmes de satellites de Jupiter et de Saturne.

C'est parce que le Nombre d'or est "algébrique de degré 2" qu'il caractérise une régularité de type T2, correspondant à une diminution de la dissipation par les marées planétaires ou solaires.

Exemples divers de régularités apparues "naturellement" — ayant la vertu de "modérer" la dissipation.

Apparues comment ? La thermodynamique est encore incapable de nous l'expliquer avec précision : elle propose simplement l'expression : "structures dissipatives".

La régularité cosmologique C pourrait donc, elle aussi, avoir été acquise à la suite des processus dissipatifs imposés par le modèle même.

Dans ce cas, son extrapolation stricte vers le passé ne serait pas légitime.

L'isotropie apparente du ciel lointain ne serait qu'une anisotropie en voie de disparition.

Anisotropie dont on peut relever une trace : la tendance des quasars les plus proches à se grouper en "hyper-amas" aplatis et parallèles — verticaux sur la projection archimédienne suivante : Tendance dont l'optimisation permet d'évaluer les paramètres cosmologiques — en agrément avec divers tests cosmologiques récents.

Elle ne fait pas disparaître la régularité cosmologique C , mais la réduit simplement à une régularité non-géocentrique de type O(3), qui pourrait avoir été primordiale.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


X

Jusqu'ici, nous avons négligé les phénomènes magnétiques et électriques. Mais on peut les prendre en compte avec un simple ajustement de la géométrie : on remplacera le Groupe Souple par le Groupe Electro-Souple, dont voici la construction : L'Electro-Univers sera le produit direct de l'Univers U par un cercle ;
c'est une variété U de dimension 5 (Theodor Kaluza, Oskar Klein, 1919-1926).

En faisant tourner simultanément tous les cercles du même angle, on produit le Groupe Electrique.

Le Groupe Electro-Souple sera le "normalisateur" du Groupe Electrique dans le "groupe des difféomorphismes" de U .

Le Groupe Electro-Souple est une "extension" du Groupe Souple : les objets souples sont donc automatiquement électro-souples ; la nouvelle géométrie est compatible avec la précédente.

Le "groupe quotient" contient les "transformations de jauge de seconde espèce" de l'Electrodynamique, et aussi les "conjugaisons de charge". La géométrie Electro-Souple est ainsi apte à décrire simultanément matière et antimatière.

Cette géométrie recourt à une Electro-Métrique g , métrique de l'Electro-Univers U, qui peut être choisie : invariante par le Groupe Electrique ; donnant à tous les cercles la même longueur.

On pourra alors définir l'Electro-Physis correspondante, et l'Electro-Dynamique T comme tenseur de l'Electro-Physis.

Voici quelques conséquences de ces hypothèses.

L'Electro-métrique g s'exprime en complétant la métrique souple g par un objet électro-souple A , le "potentiel électromagnétique" :

g = ( g , A )

De cette Electro-Métrique, on dérive l'électro-pesanteur D, qui complète la pesanteur D par le champ électromagnétique F :

D = ( D , F ).

F, objet souple, est automatiquement solution des équations de Maxwell homogènes.

L'Electro-Dynamique T complète la dynamique T par un "vecteur-distribution" J , le courant électrique :

T = ( T , J ).

Alors la loi de l'Electro-Dynamique T D = 0 se coupe en deux : Les forces électromagnétiques interviennent dans l'équation de la dynamique qui devient :

TD + JF = 0 ;

le courant électrique J vérifie l'équation

JD = 0

qui s'interprète comme conservation de l'électricité. La charge électrique ainsi conservée est un moment du Groupe Electrique.

Enfin l'Electro-Dynamique se relève de l'Electro-Physis par "l'équation d'Einstein penta-dimensionnelle" T = S( g ) : dans l'écriture de l'équation d'Einstein, la dynamique souple T doit être augmentée de la "densité tensorielle de Maxwell-Poynting" ; J est donné par les "équations de Maxwell non homogènes".

Ce système T = S( g ) entraîne bien entendu T D = 0 .

Cette Electrodynamique géométrique correspond parfaitement à l'expérience et à la technologie : équivalence des aimants et des courants (André Marie Ampère, 1827), générateurs électriques (Zénobe Gramme, 1865), utilisables réciproquement comme moteurs (1873) , émission et réception des ondes radio (1894), etc.

C'est d'ailleurs l'analyse géométrique de l'électrodynamique classique qui a permis à Henri Poincaré de découvrir en 1905 le groupe qui produit la Relativité Restreinte.

Le fait que l'attraction gravitationnelle ne soit pas supplantée par la répulsion électrique est une limite drastique de la charge électrique de l'espace : on admet généralement que cette charge universelle est nulle.

Plusieurs scénarios peuvent être évoqués pour géométriser cette hypothèse.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


XI

Définissons maintenant un nouvel Universel géométrique : les états d'un groupe.

Pour chaque groupe G , un état est une fonction μ définie sur G , à valeurs complexes, prenant la valeur 1 au point neutre, telle que les μ(gj-1gk) soient les éléments d'une "matrice positive" — quel que soient les gj choisis dans G .

Voici quelques-unes de leurs propriétés : Le conjugué d'un état, le produit de deux états sont des états.

Les états de G constituent un "convexe compact" — engendré par les "états purs" : ceux qui ne sont pas le milieu de deux autres.

Chaque état définit une "représentation unitaire" du groupe sur un "espace de Hilbert".

Réciproquement, tout espace de Hilbert, toute représentation unitaire d'un groupe peuvent se reconstruire à partir d'un état.

Les "représentations irréductibles", ce sont celles qui sont associées à un "état pur".


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


XII

A quoi peuvent servir tous ces états ? D'abord à fonder le calcul des probabilités.

Pour "probabiliser" un ensemble X , il suffit de choisir un "groupe-test" : un groupe multiplicatif A de fonctions α à valeurs complexes de module 1, définies sur X .

Fermons A pour les "combinaisons linéaires" et "limites uniformes" : nous obtenons l'ensemble des "fonctions-test" de A. Appelons "certitudes" les fonctions sur A associées à chaque point x de X par la correspondance α—> α(x) ; "hasards" les fonctions du "convexe fermé" engendré par les certitudes (fermé pour la "convergence uniforme sur les parties finies").

Tous ces hasards sont des états de A . Tout hasard p possède un seul prolongement linéaire continu à l'ensemble des fonctions-test α ; le résultat p(α) sera l' "espérance mathématique" ou "valeur moyenne" de α dans le hasard p .

Voici des exemples : Si X est fini, tout hasard sur X est donné par une formule

p(α) = p1 α(x1) + … + pn α(xn),

les pj étants positifs, de somme 1 : la notion de hasard implique celle de "probabilité".

Prenons un exemple infini : X, ce sera Rn ; on choisit comme "groupe-test" l'ensemble des fonctions αy : x —> eiyx, y étant arbitraire dans le dual de Rn.

Alors les "hasards" contiennent les "lois de probabilité" classiques (représentées par leurs "fonctions caractéristiques" au sens de Liapounov-Lévy) .

Un point intéressant : il existe d'autres hasards probabilisés par ce groupe-test, comme celui qui est équiparti sur Rn ou sur un sous-réseau arbitraire. Ils interviennent dans les phénomènes quantiques — même
s'ils sont incompatibles avec la théorie de la mesure.

Soient X , X' deux espaces probabilisés par des groupes-tests A , A'. Une application F de X dans X' sera dite "propre" si l'image réciproque par F d'un élément de A' est fonction-test sur X.

Alors l'image réciproque d'une fonction-test de X' par une application propre est fonction-test de X ; l'image directe d'un hasard de X (définie par dualité) est un hasard de X'.

Ces "images de hasards" sont utilisées dans les "méthodes de Monte-Carlo". Elles permettent à un groupe qui agit "proprement" sur X d'inclure les hasards dans sa géométrie.


-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-


XIII

D'autre part ces états de groupe permettent d'accéder à la procédure de Quantification géométrique qui ne sera qu'esquissée ici.

Un objet quantique isolé sera caractérisé par : un groupe S — la source une classe coadjointe X de la source S (qui s'interprétera comme "espace des mouvements classiques" ) un fibré principal en cercles Ξ au dessus de X muni d'une structure de contact ϖ d'où dérive la forme symplectique ω de X . La circulation de ϖ sur les cercles prend la valeur constante 2πh ; .l'action de S sur X se relève sur Ξ en préservant ϖ — ce qui crée une "extension centrale" Σ de S .

Si l'objet est isolé, un morphisme du groupe de Galilée (resp. Poincaré) dans S Appelons "observation" tout sous-groupe A de S engendré par une sous-algèbre de Lie abélienne. Chaque observation pourra s'interpréter de deux façons : par son action sur X induite de celle de Σ ; par une autre action sur X , déterminée par ϖ, et conservant individuellement les fibres ; elle produit un "groupe-test" de X .

Si μ est un état de la source et A une observation, μ induit sur A un état du groupe-test associé. Les Etats quantiques seront des états de S , ayant la propriété d'induire un "hasard" pour chaque observation A. Hasard qui s'interprétera comme "spectre" du moment de A .

Ces constructions permettent de produire les principaux objets de la mécanique quantique : Equations d'onde (Schrödinger, Pauli, Klein-Gordon, Dirac, Maxwell), engendrant chacune une solution de TD = 0, Espaces de Hilbert, vecteurs d'état , opérateurs-densité opérateurs self-adjoints, Produit tensoriels hilbertiens pour les systèmes bosons et fermions, condensations de Bose-Einstein, non-séparabilité des états de fermions.

Jean-Marie Souriau


Voir:


Bibliographie

* 1953: Géométrie symplectique différentielle. Applications - Collection Internationale
CNRS "Géométrie différentielle", Strasbourg, p.53

* 1964: Géométrie et relativité - Editions Hermann, collection "Enseignement des Sciences"

* 1966: Définition covariante des équilibres thermodynamiques - Suppl. Nuov.
Cimento, 1, 4, pp.203-216

* 1966: Modèles classiques quantifiables pour les particules élémentaires -
Comptes Rendus de l'Académie des Sciences 263, p.1191

* 1966: Quantification géométrique - Comm. Math. Phys. 1, pp.374-398

* 1967: Quantification géométrique. Applications - Annales de l'Institut Henri Poincaré VI, 4,
p.311-341

* 1969: Structure des systèmes dynamiques - Editions Dunod, Collection "Dunod Université"

* 1971: Variétés symplectiques et cohomologie en mécanique - Rencontres
Mathématiques et Physique, Département de Mathématiques Université Lyon-Villeurbanne, 8.

* 1976: Construction explicite de l'indice de Maslov. Applications - "4th International
Colloquium on Group Theoretical Methods in Physics", Nijmegen, 1975 - Springer
Lecture Notes in Physics 50, p.117-148

* 1977: Faut-il prendre au sérieux la constante cosmologique? - Journées Relativistes,
Bruxelles 1976, Publication Université libre de Bruxelles, p. 215-229

* 1977: Thermodynamique et géométrie - "Differential Geometrical Methods in Mathematical
Physics II", Bonn - Springer Lecture Notes in Mathematics, 676, 30 pages

* 1980: Groupes différentiels - Springer Lecture Notes in Mathematics, 836, p. 91-128

* 1982: A Possible Large-Scale Anisotropy of the Universe (avec H.H. Fliche et
R. Triay) - Astronomy and Astrophysics 108, p.256-264

* 1983: Heat, Cold and Geometry (avec P. Iglesias) - "Differential Geometry and
Mathematical Physics", M. Cahen éditions, p. 37-68, Reidel Pub.

* 1984: Groupes différentiels et physique mathématique - "Feuilletages et quantification
géométrique", Journées Internationales de la Société Mathématique de France, 1983, Lyon - Collection Travaux en cours, II, p. 73-119, Editions Hermann

* 1986: La structure symplectique de la mécanique décrite par Lagrange en 1811 - "Journées d'Histoires des Sciences", Vieille Charité, Marseille,1985 - "Mathématiques
et Sciences humaines", 24ème année, n° 94, pp. 45-54

* 1997: Milieux continus de dimension 1, 2 ou 3 : statique et dynamique -13ème
Congrès Français de Mécanique, Poitiers, Futuroscope.

* 1998: Structure of Dynamical Systems, a symplectic View of Physics - Birkhäuser,
Progress in Mathematics





















Jean-Marie Souriau (1922-2012)